Fil d'Ariane
- Accueil >>
- Professionnels >>
- Témoignages de professionnels >>
- Brigitte Lepez
Entretien avec Brigitte Lepez, auditrice "double profil".
Vous êtes maître de conférences en didactologie des langues et des cultures, et vous avez été directrice pédagogique et directrice adjointe durant 7 ans. Actuellement, vous êtes directrice du département de l’enseignement du français à l’international (DEFI) - centre universitaire de FLE/Lille 3. Comment passe-t-on de l’enseignement à l’audit ? En quoi la connaissance de ces domaines vous est-elle utile dans le cadre de la labellisation Qualité français langue étrangère ? Quelles ont été vos motivations pour devenir auditeur Qualité français langue étrangère ?
Dans mon cas, il s’agissait plutôt d’un choix de continuité avec mon parcours professionnel dans le domaine et la direction d’un centre universitaire de FLE, un choix en cohérence avec mes centres d’intérêt en recherche didactique et pédagogique. Devenir auditrice dans la démarche de certification Qualité FLE m’offrait l’opportunité d’être partie prenante d’un processus d’évaluation de structures et de dispositifs éducatifs, la problématique de l’évaluation des dispositifs d’enseignement–apprentissage FLE, en France et à l’international, constituant un de mes centres d’intérêt.
L’expérience du terrain dans ses dimensions pédagogie et gestion de centre – dans mon cas, en tant qu’enseignante de FLE et responsable pédagogique puis directrice d’un centre de FLE – me semble fondamentale pour mieux appréhender les spécificités de chaque contexte et pouvoir évaluer la conformité de ces spécificités par rapport au référentiel de l’audit.
Ma recherche en didactique du FLE axée sur le management pédagogique et la mobilité internationale des étudiants, facilite la conceptualisation des situations didactiques. L’audit et la recherche scientifique suivent la même exigence de rigueur et d’objectivité, et présentent des similitudes méthodologiques. La démarche de l’audit est un travail d’enquête sur le terrain qui emprunte des outils de la recherche : des analyses de documents, des observations directes et des entretiens. Il s’agit, en un temps concentré, de relever des données, de les analyser et synthétiser pour comprendre la culture professionnelle d’un centre et aboutir à un état des lieux à un moment donné : une photographie du centre dans le périmètre des critères du référentiel de l’audit.
Enfin, dernier argument mais non des moindres, Il faut ajouter que le CIEP assure la formation des auditeurs lors des stages au CIEP. Ces stages, sous forme d’études de cas concrets et de simulations, permettent d’appréhender avec précision les enjeux et la procédure de la labellisation avec la méthodologie à adopter et à adapter, sur le terrain et lors de la rédaction des commentaires.
Quelles qualités personnelles vous paraissent fondamentales pour être auditeur ?
Le professionnalisme des auditeurs me semble l’exigence essentielle. Sur le terrain, un auditeur du label Qualité FLE, outre son expertise des outils et de la démarche de l’audit, doit faire preuve de compétences de communication avec tous les acteurs du centre, étudiants, enseignants, responsables. En effet, l’audit est aussi une rencontre avec des équipes administratives et pédagogiques et lors de l’audit sur site, instaurer un dialogue de qualité me semble très productif et cela permet de travailler dans un climat de respect mutuel.
De plus, des qualités d’adaptabilité sont requises. Chaque audit étant un nouvel audit, chaque centre ayant son identité propre inscrite dans un contexte bien spécifique, il faut être capable de s’adapter aux diverses spécificités du centre, tout en gardant la rigueur de la démarche de l’audit.
Par ailleurs, l’auditeur doit avoir des compétences d’analyse et de synthèse mobilisables en un temps concentré, car il faut croiser et traiter tout un ensemble de données en un temps limité pour en évaluer la conformité. Il s’agit donc aussi de repérer éventuellement des incohérences ou des oublis et de les expliciter aux responsables du centre pour en obtenir des éclaircissements.
Des qualités rédactionnelles sont requises car c’est par la rédaction de ses remarques que l’auditeur va communiquer le résultat de ses constats. Cela exige de savoir communiquer dans un espace rédactionnel restreint un ensemble de données objectives indispensables lors de la restitution de l’audit ; c'est-à-dire que l’auditeur doit savoir être un médiateur entre son travail de terrain et la décision finale prise par la Commission interministérielle. Savoir gérer le temps de ses diverses activités lors de l’audit sur site est aussi une compétence non négligeable car les indicateurs sont nombreux et chaque indicateur exige des investigations multiples et chronophages.
Enfin, savoir travailler en équipe et communiquer en confiance sur son travail et ses interrogations, permet d’approfondir les premières conclusions de l’expertise. En effet, un auditeur n’est jamais seul. Non seulement un audit se fait en tandem, mais en cas de problème ou de doute, les experts du CIEP sont toujours joignables et disponibles, par téléphone ou mail, à toutes les étapes de l’audit, avant, pendant, lors de la restitution par l’auditeur senior, et après l’audit.
Vous êtes aujourd’hui membre du conseil d’orientation du label Qualité français langue étrangère, est-ce que l’on peut dire que le référentiel du label se transforme au fil des audits et dans quelles directions ?
Oui, bien évidemment, après un bilan d’expérimentation de 7 ans, l’évolution du référentiel semble souhaitable pour résoudre certains problèmes et mieux répondre aux données du terrain. Un référentiel ne doit pas trop bouger et garder sa cohérence profonde mais comme tout instrument, il a été soumis à l’épreuve de la pratique et il faut savoir tirer les leçons de l’expérience, évaluer le processus et mieux adapter l’outil à sa fonction première, pour une meilleure lisibilité, une meilleure communication et une meilleure réception de l’audit sur le terrain. Faire participer tous les groupements professionnels du FLE à la concertation sur l’évaluation du dispositif, me semble une démarche très positive et productive. Cette évaluation a conduit à quelques modifications du référentiel, avec des corrections d’indicateurs redondants par exemple, mais aussi avec une évolution dans la démarche elle-même de l’audit sur le terrain en accordant davantage de place au dialogue et donc aux entretiens. La reconnaissance de la fiabilité et de la qualité du référentiel garantit la qualité du processus de labellisation.
Quel est votre meilleur souvenir d’audit ?
Un meilleur souvenir ? Non… plutôt le souvenir de moments intéressants dans les audits. Le moment de la découverte du centre en est un. Lors de la phase préparatoire, on travaille sur le site internet et on a donc une première représentation donnée par les choix stratégiques de la communication. Le jour de l’audit, c’est un moment de découverte et de confrontation entre les représentations et la réalité du terrain. Il ne faut pas oublier que la démarche Qualité FLE est au service des étudiants. Il s’agit de garantir à l’usager client, un environnement et une pédagogie de qualité. Alors, on se met à la place de l’étudiant, qui arrive parfois de très loin, et qui découvre, comme nous, le site dans son contexte qui deviendra son environnement quotidien pour une durée réduite ou très longue.
Ce que j’apprécie aussi lors de l’audit, ce sont les entretiens. Cela permet de faire expliciter la culture implicite du centre. Par l’audit, les responsables et/ou les enseignants revisitent leur centre avec un autre regard. L’auto-évaluation et la préparation des dossiers ont déjà permis aux responsables et à l’équipe pédagogique de questionner leurs pratiques. Les moments d’échanges sur la formalisation de ces pratiques permettent au centre de mieux appréhender le niveau d’exigence de l’audit. Les audits sont aussi des moments de partage entre auditeurs. J’apprécie beaucoup ce travail en équipe où alternent les moments de travail intense et de cordialité. En résumé, je garde de très bons souvenirs de tous mes audits et la collaboration entre auditeurs se passe toujours dans d’excellentes conditions.
Selon vous, quelles sont les clés d’un audit réussi ? Quels sont les pièges à éviter ?
Peut-on définir la réussite d’un audit ? Pour le centre, la réussite de l’audit se mesure certainement à l’agrément de la labellisation. Pour les auditeurs, il s’agit plutôt d’un audit qui se passe dans de bonnes conditions. Les clés de réussite sont une alchimie entre les qualités de collaboration et de communication des centres et les qualités professionnelles des auditeurs. Le professionnalisme me semble encore une fois le maître mot. Un audit réussi est celui où tous les acteurs jouent leur rôle en professionnels et acceptent de respecter toutes les règles de l’audit.
Un audit met en jeu plusieurs facteurs déterminants. D’abord, un audit réussi est un audit bien préparé, qui a réussi à engager toute l’équipe pédagogique et administrative dans la démarche qualité, et donc une conception positive de l’audit, avec la collaboration de tous les acteurs concernés. La conformité des dossiers aux attentes de l’audit et la disponibilité des responsables du centre pendant l’audit facilitent évidemment le travail de la mission sur site. Ensuite, du côté des auditeurs, il s’agit aussi d’un travail en équipe, à mener avec rigueur et adaptabilité, en toute confiance. Par ailleurs, même si l’audit sur le terrain demeure le moment le plus visible et donc le plus fort de la procédure, car mettant en relation directe tous les acteurs, un audit se prépare en amont et exige ensuite beaucoup de rigueur dans la rédaction du compte rendu pour essayer d’être le plus précis possible dans la transmission des informations. La procédure de la médiation des informations doit être très professionnelle, à chaque étape, pour ne pas dénaturer les données.
Pour éviter quelques erreurs, je pense que le centre qui entre dans le processus de labellisation doit accepter le principe de transparence en relation avec les exigences de l’audit, afin que celui-ci puisse se dérouler dans un climat de confiance réciproque. La confiance se construit notamment dans l’adéquation entre les pratiques de terrain et l’auto-évaluation ainsi que leur descriptif dans les dossiers.
Avez-vous des conseils à formuler en direction des centres pour les aider à mieux se préparer à l’audit ?
Les centres de français langue étrangère sont de véritables entreprises qui exigent beaucoup de professionnalisme, autant en gestion avec des choix stratégiques qu’en management pédagogique. Alors, la façon dont le centre se représente l’audit est un facteur déterminant. Si le centre audité conçoit l’audit comme un outil de développement, la mission d’audit sur site a de grandes chances de se passer dans d’excellentes conditions. En effet, l’audit permet de faire une photographie du centre à un moment donné avec ses points forts, ses points à renforcer et bien sûr ses points faibles à modifier. Les conclusions de l’audit et le référentiel peuvent fonctionner comme un référent pour le pilotage du centre.
L’objectif constitutif du processus de labellisation, c’est de garantir les meilleures conditions d’accueil et de formation dans les centres de FLE. Alors, les conclusions de l’audit et le référentiel doivent pouvoir fonctionner comme des outils de référence pour le pilotage du centre. Concevoir l’audit comme un projet d’établissement impliquant tous les acteurs du centre dans un travail d’équipe et sur la durée permet d’inscrire l’audit dans une dynamique et une vraie politique stratégique de qualité permanente.